Jeudi 17 mars 2022 à 14h30 – 17h00 – 20h00
- de Antoine Barraud
- Avec Virginie Efira, Bruno Salomone, Quim Gutiérrez, Jacqueline Bisset…
- Drame, Thriller • 1h42
- France, Belgique, Suisse (2020)
- Version originale française
- Cinéart
Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile, fait de mensonges, de secrets et d’allers-retours, se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, au risque de tout perdre.
Les Grignoux (…) Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison, nous prévenait Eric Rohmer en exergue de son film Les Nuits de la pleine lune. Dans Madeleine Collins, Virginie Efira possède bel et mieux deux maisons et deux époux, mais également deux noms différents (dont aucun n’est Madeleine Collins, ironiquement). Chacune de ses deux vies a l’air tout à fait normale, presque banale à vrai dire, mais le va-et-vient entre les deux n’est jamais expliqué. Cette femme qui vit à cheval sur la frontière, aux sens propres et figurés, est-elle folle ? Manipulatrice ? C’est précisément ce non-dit têtu qui installe au cœur du récit un point d’interrogation de plus en plus grand, un suspens particulièrement appétissant. Madeleine Collins trempe un orteil vers le fantastique sans y plonger complétement. À défaut de faire d’Efira une héroïne lynchienne aux multiples identités, il la transforme plutôt en mystérieuse blonde hitchcockienne en cavale, et c’est déjà un cadeau gigantesque, pour nous comme pour Efira, dont l’interprétation nuancée et terre-à-terre à la fois atteint à nouveau des sommets. À force de peiner à maintenir le cap de son embarcation qui tangue de façon maboule, son personnage menace de nous épuiser à notre tour, mais c’est alors le film entier qui prend l’eau et perd délicieusement la raison. Parsemé d’amusants cailloux dans la chaussure, Madeleine Collins nous invite à entrer dans une drôle de danse, plus singulière que le film à suspense en décors feutrés que l’on croyait regarder. Il y a d’abord ce casting iconoclaste (Jacqueline Bisset, Valérie Donzelli et Nadav Lapid), puis la présence insistante et presque artificielle de la musique, des bruits de baleine venus d’on ne sait où, et des coups de théâtre férocement outranciers tout droits sortis de Fedora. Sans jamais tomber dans la parodie, Madeleine Collins change lui aussi de visage et passe l’air de rien du drame psychologique à la fantaisie bourgeoise, en passant même par le cartoon. Dans ce contexte zinzin, la ligne de dialogue la plus anonyme devient une énigme ubuesque (« C’est qui ? C’est personne. »)
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